21 mai 2014

Ma dernière peinture -Nu à l'aquarelle



Nu à l'aquarelle

vimeo.com -dessiner un modène femme nue

Cinq siècles de beauté, de fantasmes et d'oeuvres interdites
La quête de l'éternel féminin parcourt toute l'histoire de l'art et devient un thème de prédilection à partir de la Renaissance. Pourtant, l'histoire du nu en peinture est celle d'un combat pour représenter cet obscur objet de désir, sans cesse attaqué, censuré, muselé par la pudeur. Explorant la façon dont les peintres contournent les interdits, s'emparent des archétypes et jouent avec les codes de l'histoire de l'art, ce beau livre retrace cinq siècles de représentations de la femme occidentale. Des Vénus idéales de Botticelli aux créatures spectaculaires de Lucian Freud, en passant par les courtisanes de Titien, les pauvres mortelles de Rembrandt, les libertines de Fragonard, les femmes fatales des symbolistes ou les grandes amoureuses des surréalistes, cette Histoire indiscrète du Nu féminin interroge l'évolution des canons esthétiques, les significations politiques, religieuses ou philosophiques du nu. Mais il dévoile également la vie secrète et parfois sulfureuse des plus grands chantres de la nudité. Étudiant les relations des peintres à leurs modèles, racontant les secrets d'ateliers, voire les secrets d'alcôves, cet ouvrage fait se rejoindre la grande et la petite histoire à travers une sélection d'oeuvres magnifiques, parfois interdites, souvent érotiques et toujours sublimes. Un passionnant décryptage dont le but ultime est de redonner à ces nus toute leur charge émotionnelle et sensuelle.

http://eve-adam.over-blog.com/tag/peinture/ (il était une fous la femme : peinture nus féminins)


Voici maintenant mon dernier essai de nu à l'aquarelle. Je me suis inspiré de Corno (voir les photos sous mes trois peintures).
Première ébauche


Peinture retouchée 1

Peinture retouchée 2)
Comme mon amie Raymonde m'en a fait la remarque cette aquarelle manque de volume les coups de pinceau sont trop verticaux et pas assez arrondis. Je la reprendrai plus tard après mes essais à l'huile que je vais maintenant tenter. 


Le modèle qui m'a inspiré: par Corno. https://www.facebook.com/cornostudio?fref=ts


Je n'avais pas vu cette peinture de Corno avant de faire mon aquarelle, je pense que j'aurais mis des tons différents et moins de noir.





La prochaine peinture sera un retour à l'huile. Voici  une toile que je vais essayer de représenter.






Ma dernière peinture -Nu à l'aquarelle



Nu à l'aquarelle

vimeo.com -dessiner un modène femme nue

Cinq siècles de beauté, de fantasmes et d'oeuvres interdites
La quête de l'éternel féminin parcourt toute l'histoire de l'art et devient un thème de prédilection à partir de la Renaissance. Pourtant, l'histoire du nu en peinture est celle d'un combat pour représenter cet obscur objet de désir, sans cesse attaqué, censuré, muselé par la pudeur. Explorant la façon dont les peintres contournent les interdits, s'emparent des archétypes et jouent avec les codes de l'histoire de l'art, ce beau livre retrace cinq siècles de représentations de la femme occidentale. Des Vénus idéales de Botticelli aux créatures spectaculaires de Lucian Freud, en passant par les courtisanes de Titien, les pauvres mortelles de Rembrandt, les libertines de Fragonard, les femmes fatales des symbolistes ou les grandes amoureuses des surréalistes, cette Histoire indiscrète du Nu féminin interroge l'évolution des canons esthétiques, les significations politiques, religieuses ou philosophiques du nu. Mais il dévoile également la vie secrète et parfois sulfureuse des plus grands chantres de la nudité. Étudiant les relations des peintres à leurs modèles, racontant les secrets d'ateliers, voire les secrets d'alcôves, cet ouvrage fait se rejoindre la grande et la petite histoire à travers une sélection d'oeuvres magnifiques, parfois interdites, souvent érotiques et toujours sublimes. Un passionnant décryptage dont le but ultime est de redonner à ces nus toute leur charge émotionnelle et sensuelle.

http://eve-adam.over-blog.com/tag/peinture/ (il était une fous la femme : peinture nus féminins)


Voici maintenant mon dernier essai de nu à l'aquarelle. Je me suis inspiré de Corno (voir les photos sous mes trois peintures).
Première ébauche


Peinture retouchée 1

Peinture retouchée 2)
Comme mon amie Raymonde m'en a fait la remarque cette aquarelle manque de volume les coups de pinceau sont trop verticaux et pas assez arrondis. Je la reprendrai plus tard après mes essais à l'huile que je vais maintenant tenter. 


Le modèle qui m'a inspiré: par Corno. https://www.facebook.com/cornostudio?fref=ts


Je n'avais pas vu cette peinture de Corno avant de faire mon aquarelle, je pense que j'aurais mis des tons différents et moins de noir.





La prochaine peinture sera un retour à l'huile. Voici  une toile que je vais essayer de représenter.






10 mai 2014

Les origines de la culture 3-2) "Une théorie sur laquelle travailler": le mécanisme mimétique partie2

Les origines de la culture 3-2) "Une théorie sur laquelle travailler": le mécanisme mimétique partie2


Nous vivons peut-être la fin de l'ère chrétienne, accompagnée d'une crise des valeurs (peut-être va-t-on vers un nouveau christianisme?) et de nombreux dérèglements se produisent dans notre société. On assiste à une résurgence du paganisme et des mythes de l'antiquité grecque. NarcisseProméthée sont de retour et deviennent envahissants.Le mimétisme s'exacerbe que ce soit dans la vie de tous les jours ou dans les médias, même si l'individualisme est puissant et poussé par un ego qui devient forcené. 
Cela me donne l'idée de rédiger une série d'articles en donnant "ma lecture" du livre de René Girard "Les origines de la culture" dont c'est ici l'article 3-2)
wikipedia.org -René Girard






Les livres de René Girard: 



amazon.fr -Les-origines de la culture (Entretiens-Pierpaolo) (2006)


Mes articles sur "les origines de la culture": 

Exergue: "J'avais enfin trouvé une théorie sur laquelle travailler". Charles Darwin autobiographie.
Dans l'article 2 nous avons vu comment João Cesar de Castro Rocha et Pierpaolo Antonello présentent René girard dans leur introduction au livre "les origines de la culture": "cet essai tente de reconstituer, au cours de dialogues systématiques, ce fil que René Girard a tenu sa vie durant, "une seule et longue argumentationpour reprendre les mots de Charles Darwin.   Les auteurs ont donné à ce dialogue souvent dense et précis, le ton d'une autobiographie intellectuelle comparable selon eux à celle de Charles Darwin. 
Après cette introduction, nous commencerons la lecture du livre de René Girard par le chapitre "Une théorie sur laquelle travailler: le mécanisme mimétique". 
Je résume et donne ici ma lecture des questions posées à René Girard (en caractères gras) et de ses réponses. Et dans l'article 3-1 ("Une théorie sur laquelle travailler"), nous avons commencé à analyser le mécanisme mimétique en tant que fondement de l'ordre social et de la culture, ce qui nous a fait aboutir au mythe de Prométhée. Poursuivons cette démarche.

1) La méconnaissance.
   
manuelantoine.blogspot.fr -Œdipe girardien ,Œdipe freudien et la méconnaissance


 a) "Pour souligner la continuité structurelle des phénomènes sociaux dont nous venons de parler [...], nous pouvons dire que, de même que le désir mimétique n'est pas une invention moderne, le mécanisme du bouc émissaire ne se retrouve pas seulement dans les rituels primitifs ou les socités anciennes; il est aussi présent dans notre monde moderne.
Le désir mimétique, qui semble fermement attaché à l'objet qu'il est décidé à se procurer et à aucun autre, se montre en réalité vite opportuniste et se fixe alors sur ce qu'il trouve. Les gens qu'il tourmente se focalisent paradoxalement sur des modèles et des adversaires de substitution. Il y a un déplacement de ce type dans l'âge des scandales que nous vivons et qui s'aggrave. Tout grand scandale collectif vient d'un skandalon entre les deux "prochains" bibliques, plusieurs fois multiplié. Il faut rappeler que dans les Êvangiles, skandalon signifie rivalité mimétique. Ce scandalon, ambition vide, antagonisme, agressivité réciproque et les mauvais sentiments que chacun ressent envers l'autre vient de la simple raison que nos désirs se trouvent souvent frustrés. Avec les possibilités de la technologie moderne d'internet et de la télévision, ce scandalon à petite échelle a tendance à devenir opportuniste et rejoint le vaste scandale des médias, se confortant dans le fait que que l'indignation individuelle est partagée par beaucoup de monde. La mimésis, au lieu d'aller seulement dans la direction de notre propre voisin, notre prochain, notre rival mimétique personnel, dévie latéralement et s'amplifie au point de créer les symptômes d'une crise grandissante, d'une contagion croissante, souvent exponentiellement. Le plus grand scandale engloutit les plus petits jusqu'à ce qu'il n'y ait plus qu'un seul scandale et une seule victime. Et c'est à ce moment que le mécanisme du bouc émissaire refait surface. "L'animosité de chacun vis à vis des autres, à cause de la taille toujours plus grande des groupes en état de rivalité mimétique devient de plus en plus grande et elle culmine en un énorme retentissement contre un élément pris au hasard dans la société". Depuis plus d'un siècle, les exemples ne manquent pas, le capitaine Dreyfus à la fin du 19èmè siècle; les Juifs sous le nazisme en Allemagne, les émigrants d'Afrique en Europe, les musulmans lors d'événements terroristes...Le phénomène de rivalité mimétique aboutissant à à désigner et choisir un bouc émissaire a même tendance à s'amplifier et semble se généraliser. Partons d'un exemple littéraire avec le Jules César acte II sc. 1 de Shakespeare qui décrit le recrutement mimétique des conspirateurs. L'un d'eux, Ligarius, est devenu fou, il dit n'importe quoi. Il oublie tout le reste, parce qu'il a maintenant un seul point fixe vers lequel diriger sa haine (voir Le Pro Q. Ligario Oratio de Cicéron en Latin). Quel progrès! Ne retrouve t-on pas ce que la politique devient de plus en plus? "L'esprit partisan" n'est en fait rien d'autre que le fait de choisir le même bouc émissaire que ses voisins. Et cet état d'esprit a tendance à se généraliser à tous les domaines, aux médias et au spectacle... Les affaires récentes traduisent ce phénomènes et aboutissent au sacrifice et à une certaine mise à mort des victimes pour des raisons apparemment justifiées comme pour l'affaire Strauss Kahn. Cependant, à cause de la Révélation Chrétienne de l'innocence fondamentale des victimes et de  l'arbitraire de l'accusation lancée contre elles, la polarisation de la haine est dévoilée et la résolution d'unanimité échoue, mais les dégâts restent considérables et climat de suspicion voire de haine est auto-entretenu par les moyens modernes médiatiques et la puissance d'internet. 
En résumé, avant l'arrivée du judaïsme et du christianisme, le mécanisme du bouc émissaire était accepté et légitimé d'une manière ou d'une autre, du seul fait qu'il était inconnu. Il réussissait à ramener la paix dans la communauté alors qu'on se débattait en plein chaos mimétique. Toutes les religions archaïques fondent leurs rituels sur justement sur la réitération du meurtre fondateur. Cela veut dire qu'elles considèrent le bouc émissaire comme responsable de cette crise. Le christianisme, au contraire, par la figure de Jésus, dénonce le mécanisme du bouc émissaire: c'est le meurtre d'une victime innocente, tuée afin de ramener à la paix une communauté violente. Le mécanisme du bouc émissaire est pleinement révélé. Mais on voit qu'il subsite tout de même et fait toujours des ravages considérables. 
 
liens: evangile-partage.over-blog.net -partage de l'évangile au quotidien (blog de claude tresmontant)
res-systemica.org -Généalogie de la violence Essai d'interprétation systémique à partir de l'œuvre de René Girard
laposso.philo.free.fr -Le désir de platon à deleuze en passant par spinoza

   
dame-licorne.pagesperso-orange.fr -La passion du Christ
 b)  Ceci nous ramène à la méconnaissance
(concept central de la théorie mimétique de rené Girard): "Le processus sacrificiel demande un certain degré de méconnaissance". Si le mécanisme du bouc émissaire doit amener la cohésion sociale, alors l'innocence de la victime doit être cachée d'une façon qui permette à la communauté toute entière d'être unie dans la croyance que la victime est coupable. Comme on vient de le voir, dès que les acteurs du processus en comprennent le mécanisme, savent comment il fonctionne, celui-ci s'effondre et ne peut plus réconcilier la communauté.  Henri Atlan reproche à René Girard de présenter cette proposition fondamentale non comme un problème mais comme une évidence.

Il faut certainement insister plus sur le caractère inconscient du désir mimétique. Prenons le cas par exemple, de l'affaire Dreyfus. Imaginons un français de 1894 qui pense fermement que Dreyfus est coupable, en même temps qu'il a des inquiétudes sur l'armée et les allemands. Mais si soudain ce français est convaincu que Dreyfus est innocent, son confort d'esprit, la juste colère qu'il tire de la culpabilité de Dreyfus, ne pourront alors plus se perpétuer, ils vont être détruits. Ce n'est pas la même chose d'être contre Dreyfus ou d'être pour lui. c'est ce problème de conscience que Atlan ne voit pas bien dans la pensée de Girard. De même certains critiques on dit que s'il avait une religion du bouc émissaire, ce ne pouvait être que le christianisme, puisque les évangiles parlent explicitement de ce phénomène. Mais c'est justement parce que Jésus est représenté comme un bouc émissaire que le christianisme, en tant que religion, ne peut être fondé sur le processus du bouc émissaire  et qu'il est au contraire, la dénonciation. La raison devrait être évidente: si on pense que le bouc émissaire est coupable, on ne va surtout pas l'appeler bouc émissaire. Si la France a choisi Dreyfus comme bouc émissaire, personne ne reconnaîtra dans cette affaire le rôle qu'elle fait jouer à Dreyfus et tout le monde se contentera de dire: "DREYFUS  EST COUPABLE!". Mais dès qu'on reconnaîtra l'innocence de la victime, on ne plus user de violence envers elle et le christianisme est justement une façon de dire de façon explicite que la victime (jésus) est innocente. On voit le rôle clé de la méconnaissance dans le processus du bouc émissaire, même s'il est paradoxal. Elle permet à chacun de garder l'illusion que que la victime est réellement coupable et par là même mérite d'être punie. Pour avoir un bouc émissaire, il faut ne pas voir la vérité, et donc ne pas se représenter la victime comme un bouc émissaire, mais comme un homme justement condamné. C'est ce que fait la mythologie avec par exemple, le patricide et l'inceste d'oedipe, censés être réels. Finalement, avoir un bouc émissaire, c'est donc ne pas savoir qu'on l'a.

     
iicgrenoble.esteri.it -PROCES A JULES CESAR
c) Dans le Jules César de Shakespeare, il y a ce discours de Brutus dans lequel ce principe est deux fois formulé dans: "Soyons des sacrificateurs, pas des bouchers, Caïus", "[...]
 L'homme du commun verra dans notre geste une purge, non un meurtre.." Comment l'analysez-vous?
Pour René Girard, Brutus exalte la différence entre la violence légitime du sacrifice et la violence illégitime de la guerre civile. Mais comment se rendre crédibles comme sacrificateurs lui et ses compagnons? Pour faire bien ce qu'il fait il doit soutenir qu'il ne s'agit pas d'un meurtre. ce qui démasque la méconnaissance indispensable au meurtre du bouc émissaire. Shakespeare montre dans ce texte étonnamment perspicace une compréhension du sacrifice bien supérieure à celle de l'anthropologie moderne. 


     d) Pourquoi avez-vous opté pour le terme de "méconnaissance" plutôt que pour le mot "d'inconscience?"
Pour René Girard, le mot d'inconscient "entraîne tout le fatras freudien". "J'utilise le terme méconnaissance parce qu'il est absolument certain que le mécanisme du bouc émissaire méconnaît sa propre injustice sans ignorer pourtant qu'il est meurtre."  La nature inconsciente (même si ce n'est pas le terme utilisé de la violence sacrificielle est bien révélée dans les textes du nouveau testament, en particulier dans Luc (Lc 23,34): "Père, pardonne leur: ils ne savent pas ce qu'ils font", phrase qu'il faut prendre au pied de la lettre. De même, dans les Actes des Apôtres, Pierre, s'adressant à la foule qui a participé à la crucifixion, lui dit: "Et maintenant, frères, je sais que vous avez agi par ignorance, ainsi que vos chefs." (Ac 3,17). Pour les anciens grecs, le mot ignorance signifie vraiment "ne pas savoir", qu'on pourrait traduire aujourd'hui par inconscient. Il y a un manque de conscience dans le processus du bouc émissaire, et ce manque de conscience est aussi essentiel que l'inconscient chez Freud, mais il ne s'agit pas de la même chose. c'est un phénomène plus collectif qu'individuel.
René Girard critique le concept de l'inconscient chez Freud parce qu'il est hostile à l'idée d'un appareil psychique identifiable. La notion d'inconscience est indispensable, mais celle de l'inconscient qui serait comme une "boite noire" s'est révélée trompeuse et il refuse d'enfermer cette notion dans un inconscient qui ait sa vie propre, dans le style de Freud. 

liens: wikipedia.org -Inconscient
pourlascience.fr -La puissance de l'inconscient
psychiatriinfirmiere.free.fr -CONSCIENT / INCONSCIENT / PRÉCONSCIENT / SUBCONSCIENT
causefreudienne.net -L'inconscient freudien
philolog.fr -Freud ou l'hypothèse de l'inconscient psychique
lionel.mesnard.free.fr -L'inconscient humain et Sigmund Freud
philocours.com -L'INCONSCIENT : "le moi n'est pas le maître dans sa maison"


2) La mimésis culturelle et le rôle de l'objet.
     a) Après cette explication générale du désir mimétique, revenons au rôle de l'objet dans la théorie. Vous avez dit que, dès qu'un appétit devient un désir, qui est une construction entièrement sociale, il est contaminé par le modèle. Pourtant dans la théorie du désir mimétique, il semble qu'il y ait peu de place pour les besoins fondamentaux.
talent.paperblog.fr -crime et châtiment; de goya à picasso
Appétit n'implique pas imitation. On n'imite personne si on besoin de respirer quand on étouffe ou si on marche dans un désert à la recherche d'eau, c'est physiologique. Mais dans notre monde tous les modèles sociaux et culturels proclament ce qui est "à la mode" en matière de nourriture ou de boisson. Tous nos appétits sont infléchis par des modèles que nous suivons mimétiquement et paradoxalement ils nous donnent ils nous donnent l'impression d'être nous-mêmes et personne d'autre. Mais quand la société devient cruelle,  et sauvage, la violence peut prendre sa source dans le besoin pur et on ne peut pas exclure la possibilité d'une violence étrangère au désir mimétique, là où le nécessaire fait défaut. Cependant, même pour les besoins de base, quand une rivalité se met en place à propos d'un objet, elle se charge de mimésis et une certaine médiation sociale entre toujours en jeu. On peut penser, comme jusqu'à une période récente le pensaient  les marxistes, que le désir mimétique apparaît seulement dans les classes aisées, comme un luxe ou un passe-temps aristocratique. C'est un luxe, que seuls les nobles tels l'Hidalgo Don Quichotte, pouvaient se permettre avant le monde moderne. Il est évident que dans un monde de la rareté, les classes inférieures ont surtout des besoins et des appétits.  Mais force est de constater qu'avec internet, la puissance des médias et le développement gigantesque des marchés financiers et de la publicité, le désir mimétique devient dominant dans notre société, même pour les besoins fondamentaux et les appétits. Il n'en reste pas moins que les foyers de misère extrême subsistent et qu'il peut fleurir chez les êtres "doués" pour le mimétisme comme le montre par exemple le snobisme de l'épouse Marmeladov dans Crime et châtiment de Dostoïevski.
liens: un-idiot-attentif.blogspot.fr -Dostoïevski sonde les coeurs
alexandrie.org -CRITIQUE LITTÉRAIRE Fedor Dostoïevski - Crime et Châtiment

     b) "C'est pour cela que vous n'êtes pas d'accord avec la lecture que Lucien Scubla fait de votre travail quand il écrit que "la rivalité mimétique est la seule source de la violence". "
Pour Scubla, "
Rien ne paraît plus resserré que le système girardien, à moins que ce ne soit qu’un emboîtement d’hypothèses. Lucien Scubla en ramène l’axiomatique à quatre propositions : 1) le désir humain est toujours mimétique ; 2) la rivalité mimétique est l’unique source de la violence humaine (ce que Girard n’avalise pas) ; 3) seule la religion (sacrifice ou renoncement au sacrifice) peut contenir la violence."  La formule de Scubla dévalue trop les appétits et les besoins objectifs. En effet, ils peuvent déclencher des conflits et aboutir à la violence, et une fois qu'ils ont commencé ils peuvent se pénétrer de mimétisme. De nos jours, les gens se proccupent de la généralisation des "actes de violence" qui frappe au hasard, des vols, des agressions ou des viols dans nos sociétés d'abondance  Cette violence est détachée de tout contexte relationnel, elle n'a donc ni antécédent, ni suite. Pourtant les rapports de spécialistes montrent que les agressions commises au hasard ne constituent pas la principale cause de violence dans le monde. comme le montrent les rapports de l'OMS cf Report on Violence and Health où on s'aperçoit que la moitié des morts violentes sont causées par le suicide et que la majorité des homicides sont commis au sein de la famille, donc parmi des gens qui se connaissent, et même depuis longtemps. Seulement 1/5èmè des morts violentes proviennent chaque année de la guerre. Donc, l'histoire de la violence est bien principalement mimétique comme dans le cas de la violence domestique. Mais il n'en reste pas moins que la violence gratuite existe et agresser quelqu'un dans la rue n'est pas un acte directement mimétique puisqu'il n'existe pas de relation mimétique directe entre la victime et l'agresseur. Cependant, derrière cette attaque fortuite, du point de vue de la victime, il doit y avoir des rapports mimétiques dans l'histoire naturelle de l'agresseur, ou dans sa relation à la société en général, qui demeurent invisibles, mais qui peuvent être repérés. La situation est donc plus complexe qu'il n'y paraît.
liens: 
1libertaire.free.fr -lucien scubla: entretien sur rené girard
lucadeparis.free.fr -Mécanisme victimaire, théorie des catastrophes et carré sémiotique
journaldumauss.net -Enjeux pour une théorie de la religion au-delà du mirage girardien.
who.int -World report on violence and health: summary 2002
whqlibdoc.who.int -Rapport mondial sur la violence et la sante

     c) Nous devons aussi insister sur le fait que la mimésis n'a pas seulement des effets perturbateurs, comme on le voit avec la mimésis d'appropriation. Elle est aussi à l'origine de la transmission culturelle. 


profondeurdechamps.com -Satan : un « bouc émissaire » ?
René Girard répond: "j'ai conçu les mécanismes mimétiques à travers l'analyse de romans, dans lesquels la représentation des rapports conflictuels est essentiels. La "mauvaise mimésis" est donc toujours dominante dans mon travail. Mais dans les rapports entre être réels, c'est bien sûr, la "bonne" mimésis qui domine. Sans elle, pas de transmission transmission culturelle, pas de rapports paisibles." Mais parler de mimésis positive ne signifie pas forcément qu'on a compris le phénomène. Richard Dawkins qui insiste dans sa théorie (avec la notion de même, unité minimale de la transmission culturelle) sur la mimésis positive n'a aucune conscience de la crise mimétique, du bouc émissaire et autres articulations de la théorie mimétique (voir "le gène égoïste"). 
Cela veut dire que l'institutionnalisation des études littéraires contribue à dissimuler le mécanisme du désir mimétique. C'est ce qu'affirme Sandor Goodheart dans Sacrificing Commentary: Reading the end of Litterature. Selon lui, la vraie fonction de la critique est de ramener la littérature à expression moyenne acceptable, plutôt que d'affronter le gouffre entre la vision d'un grand écrivain et la vision commune en la ramenant à un individualisme conventionnel, ce qui permet de masquer le désir mimétique. Ainsi, la critique devrait aider à dévoiler la nature mimétique du désir, plutôt que de la cacher.

     d) Revenons maintenant à la définition de la mimésis: votre approche ne gagnerait-elle pas en clarté si nous établissions une distinction entre "mimésis culturelle" et "mimésis d'appropriation?"
La réponse est non. Ce qui donne cette impression, c'est que la mimésis culturelle, dans la majorité des cas, n'entraîne pas de rivalité, mais elle est malgré tout une mimésis d'appropriation. Si j'imite vos manières, si je lis les mêmes livres que vous, il n'en résultera aucune tension rivalitaire entre nous, ce sont là des sentiments partageables. Vous pourrez même vous sentir flatté d'être pris pour modèle. Mais la mimésis culturelle peut devenir source de rivalité si par exemple l'auteur d'une découverte scientifique non encore publiée la communique à un admirateur et que celui-ci la présente ensuite comme sa découverte à lui. Il y aura certainement attaque en justice.
On a vu que l'objet a souvent pour fonction de déclencher la mimésis d'appropriation. Pourtant, il a un rôle fondamental à jouer dans la "mimésis culturelle paisible". Dans "l'hypothèse de la chasse comme facteur d'hominisation", des groupes sociaux, tant animaux qu'humains naissent de la "coopération lors de la chasse et de la distribution de la viande" (voir Walter Burkert  in "Violent Origins. Ritual killing and Cultural Formation"). Mais il ne faut pas oublier que ce "bon" objet est tué. La chasse a toujours une dimension sacrificielle en plus de sa dimension sociale, qui n'est pas créée par le seul besoin de gibier. De même que la religion n'est pas seulement engendrée par la peur et l'admiration qu'inspirent les animaux sauvages. Toute forme de coopération complexe s'établit sur une sorte d'ordre culturel, qui est lui-même fondé sur le mécanisme victimaire. C'est là l'hypothèse girardienne sur l'origine de la culture. Et le peu que l'on connaît des chasseurs de la préhistoire et de leur univers suggère une organisation culturelle complexe.
liens: 
l.salvador.free.fr -Mécanisme victimaire et hominisation

     e) Vous dévoilez la dimension d'appropriation de la mimésis et expliquez le rôle fondamental de l'objet concret  dans la production de cette perturbation, cependant
, comme l'ont affirmé Jean-Pierre Dupuy  et Paul Dumouchel, l'objet de la société de consommation n'est pas exclusivement définissable dans le contexte de la mimésis d'appropriation. Il produit des formes de contrôle de cette explosion que représente la rivalité mimétique.
L'interprétation que Jean-Pierre Dupuy  et Paul Dumouchel donnent de notre société est juste quoique un peu trop optimiste. Selon eux, la société de consommation constitue une façon de désamorcer la rivalité mimétique et de réduire sa puissance conflictuelle en s'arrangeant pour que les mêmes objets, les mêmes marchandises soient accessibles à tout le monde. C'est réduire les occasions de conflit entre individus. Mais à un moment donné, les individus finissent par se désintéresser de ces objets trop identiques et accessibles. Quelque soit le temps nécessaire, cette "usure" se produit. Parce qu'elle rend les objets trop faciles  à acquérir, la société de consommation travaille à sa propre destruction. "Comme tout mécanisme sacrificiel, notre société a besoin de se réinventer de temps à autre. Pour survivre, elle doit inventer des gadgets toujours nouveaux. Et la société de marché engloutit les ressources de la terre, un peu comme les aztèques qui tuaient toujours plus de victimes. Tout remède sacrificiel perd son efficacité avec le temps.
Dans "Mimésis et morphogenèse", 
Jean-Pierre Dupuy affirme que "l'objet est une véritable création du désir mimétique, c'est la composition des codéterminations mimétiques qui le fait jaillir du néant: ni création d'une pure liberté, ni point focal de d'un déterminisme aveugle.".René Girard pense que c'est aller trop loin car si c'était vrai, nous ne percevions que les objets que nous désirons. Or ce n'est pas vrai. Le monde est plein d'objets qui nous encombrent et nous ennuient. Il est fréquent qu'on achète les objets d'une main et qu'on les jette de l'autre. Là aussi une "usure " se produit. Nous sommes ainsi arrivés dans un monde où le problème n'est plus de d'avoir l'objet, mais de le changer. La société de consommation est devenue un système d'échange de signes au lieu d'un échange d'objets réels. Le monde dans lequel la consommation était un signe de richesse a maintenant perdu son attrait. Pour avoir l'air vraiment "cool" il faut apparaître subversif et "émacié", comme le dit Thomas Frank (The Conquest of Cool). Mais on revient au point de départ, car tout le monde a recours aux mêmes ficelles, et une fois encore, nous nous ressemblons tous. La société de consommation, à son extrême, devient en quelque sorte une mystique, elle nous procure des objets dont nous savons d'avance qu'ils ne peuvent pas satisfaire nos désirs. Elle peut nous conduire aux activités inutiles mais elle finit par nous faire prendre conscience de notre besoin de quelque chose d'entièrement différent, besoin de ce qu'elle ne sera jamais capable de fournir. Sans doute est-ce le sacré qui a quasiment disparu devant le matérialisme de la surconsommation?
En même temps, il nous faut noter que l'augmentation de la médiation interne n'induit pas forcément une crise mimétique dans la société contemporaine qui se montre capable d'absorber de fortes doses d'infférenciation. quand on voit comment cela s'est passé dans les sociétés primitives, peut-on croire qu'une victime émissaire permettrait la reconstitution d'un monde vivable? Le cadavre de la victime permet-il de ramener les doubles au niveau précédent de différenciation? Le réponse de René Girard est non, "ce n'est pas possible. Il faut distinguer nos sociétés des sociétés primitives. Le monde moderne peut se définir comme une série de crises mimétiques toujours plus intenses, mais qui ne sont plus susceptibles d'être résolues par le mécanisme du bouc émissaire. Nous allons voir pourquoi dans le prochain article qui va s'intituler "Le scandale du christianisme".
liens: 
clerse.univ-lille1.fr -Développement durable et contreproductivité : un regard Illichien vers une RSE de seconde génération



Le mécanisme mimétique et la victime émissaire



Les origines de la culture 3-2) "Une théorie sur laquelle travailler": le mécanisme mimétique partie2

Les origines de la culture 3-2) "Une théorie sur laquelle travailler": le mécanisme mimétique partie2


Nous vivons peut-être la fin de l'ère chrétienne, accompagnée d'une crise des valeurs (peut-être va-t-on vers un nouveau christianisme?) et de nombreux dérèglements se produisent dans notre société. On assiste à une résurgence du paganisme et des mythes de l'antiquité grecque. NarcisseProméthée sont de retour et deviennent envahissants.Le mimétisme s'exacerbe que ce soit dans la vie de tous les jours ou dans les médias, même si l'individualisme est puissant et poussé par un ego qui devient forcené. 
Cela me donne l'idée de rédiger une série d'articles en donnant "ma lecture" du livre de René Girard "Les origines de la culture" dont c'est ici l'article 3-2)
wikipedia.org -René Girard






Les livres de René Girard: 



amazon.fr -Les-origines de la culture (Entretiens-Pierpaolo) (2006)


Mes articles sur "les origines de la culture": 

Exergue: "J'avais enfin trouvé une théorie sur laquelle travailler". Charles Darwin autobiographie.
Dans l'article 2 nous avons vu comment João Cesar de Castro Rocha et Pierpaolo Antonello présentent René girard dans leur introduction au livre "les origines de la culture": "cet essai tente de reconstituer, au cours de dialogues systématiques, ce fil que René Girard a tenu sa vie durant, "une seule et longue argumentationpour reprendre les mots de Charles Darwin.   Les auteurs ont donné à ce dialogue souvent dense et précis, le ton d'une autobiographie intellectuelle comparable selon eux à celle de Charles Darwin. 
Après cette introduction, nous commencerons la lecture du livre de René Girard par le chapitre "Une théorie sur laquelle travailler: le mécanisme mimétique". 
Je résume et donne ici ma lecture des questions posées à René Girard (en caractères gras) et de ses réponses. Et dans l'article 3-1 ("Une théorie sur laquelle travailler"), nous avons commencé à analyser le mécanisme mimétique en tant que fondement de l'ordre social et de la culture, ce qui nous a fait aboutir au mythe de Prométhée. Poursuivons cette démarche.

1) La méconnaissance.
   
manuelantoine.blogspot.fr -Œdipe girardien ,Œdipe freudien et la méconnaissance


 a) "Pour souligner la continuité structurelle des phénomènes sociaux dont nous venons de parler [...], nous pouvons dire que, de même que le désir mimétique n'est pas une invention moderne, le mécanisme du bouc émissaire ne se retrouve pas seulement dans les rituels primitifs ou les socités anciennes; il est aussi présent dans notre monde moderne.
Le désir mimétique, qui semble fermement attaché à l'objet qu'il est décidé à se procurer et à aucun autre, se montre en réalité vite opportuniste et se fixe alors sur ce qu'il trouve. Les gens qu'il tourmente se focalisent paradoxalement sur des modèles et des adversaires de substitution. Il y a un déplacement de ce type dans l'âge des scandales que nous vivons et qui s'aggrave. Tout grand scandale collectif vient d'un skandalon entre les deux "prochains" bibliques, plusieurs fois multiplié. Il faut rappeler que dans les Êvangiles, skandalon signifie rivalité mimétique. Ce scandalon, ambition vide, antagonisme, agressivité réciproque et les mauvais sentiments que chacun ressent envers l'autre vient de la simple raison que nos désirs se trouvent souvent frustrés. Avec les possibilités de la technologie moderne d'internet et de la télévision, ce scandalon à petite échelle a tendance à devenir opportuniste et rejoint le vaste scandale des médias, se confortant dans le fait que que l'indignation individuelle est partagée par beaucoup de monde. La mimésis, au lieu d'aller seulement dans la direction de notre propre voisin, notre prochain, notre rival mimétique personnel, dévie latéralement et s'amplifie au point de créer les symptômes d'une crise grandissante, d'une contagion croissante, souvent exponentiellement. Le plus grand scandale engloutit les plus petits jusqu'à ce qu'il n'y ait plus qu'un seul scandale et une seule victime. Et c'est à ce moment que le mécanisme du bouc émissaire refait surface. "L'animosité de chacun vis à vis des autres, à cause de la taille toujours plus grande des groupes en état de rivalité mimétique devient de plus en plus grande et elle culmine en un énorme retentissement contre un élément pris au hasard dans la société". Depuis plus d'un siècle, les exemples ne manquent pas, le capitaine Dreyfus à la fin du 19èmè siècle; les Juifs sous le nazisme en Allemagne, les émigrants d'Afrique en Europe, les musulmans lors d'événements terroristes...Le phénomène de rivalité mimétique aboutissant à à désigner et choisir un bouc émissaire a même tendance à s'amplifier et semble se généraliser. Partons d'un exemple littéraire avec le Jules César acte II sc. 1 de Shakespeare qui décrit le recrutement mimétique des conspirateurs. L'un d'eux, Ligarius, est devenu fou, il dit n'importe quoi. Il oublie tout le reste, parce qu'il a maintenant un seul point fixe vers lequel diriger sa haine (voir Le Pro Q. Ligario Oratio de Cicéron en Latin). Quel progrès! Ne retrouve t-on pas ce que la politique devient de plus en plus? "L'esprit partisan" n'est en fait rien d'autre que le fait de choisir le même bouc émissaire que ses voisins. Et cet état d'esprit a tendance à se généraliser à tous les domaines, aux médias et au spectacle... Les affaires récentes traduisent ce phénomènes et aboutissent au sacrifice et à une certaine mise à mort des victimes pour des raisons apparemment justifiées comme pour l'affaire Strauss Kahn. Cependant, à cause de la Révélation Chrétienne de l'innocence fondamentale des victimes et de  l'arbitraire de l'accusation lancée contre elles, la polarisation de la haine est dévoilée et la résolution d'unanimité échoue, mais les dégâts restent considérables et climat de suspicion voire de haine est auto-entretenu par les moyens modernes médiatiques et la puissance d'internet. 
En résumé, avant l'arrivée du judaïsme et du christianisme, le mécanisme du bouc émissaire était accepté et légitimé d'une manière ou d'une autre, du seul fait qu'il était inconnu. Il réussissait à ramener la paix dans la communauté alors qu'on se débattait en plein chaos mimétique. Toutes les religions archaïques fondent leurs rituels sur justement sur la réitération du meurtre fondateur. Cela veut dire qu'elles considèrent le bouc émissaire comme responsable de cette crise. Le christianisme, au contraire, par la figure de Jésus, dénonce le mécanisme du bouc émissaire: c'est le meurtre d'une victime innocente, tuée afin de ramener à la paix une communauté violente. Le mécanisme du bouc émissaire est pleinement révélé. Mais on voit qu'il subsite tout de même et fait toujours des ravages considérables. 
 
liens: evangile-partage.over-blog.net -partage de l'évangile au quotidien (blog de claude tresmontant)
res-systemica.org -Généalogie de la violence Essai d'interprétation systémique à partir de l'œuvre de René Girard
laposso.philo.free.fr -Le désir de platon à deleuze en passant par spinoza

   
dame-licorne.pagesperso-orange.fr -La passion du Christ
 b)  Ceci nous ramène à la méconnaissance
(concept central de la théorie mimétique de rené Girard): "Le processus sacrificiel demande un certain degré de méconnaissance". Si le mécanisme du bouc émissaire doit amener la cohésion sociale, alors l'innocence de la victime doit être cachée d'une façon qui permette à la communauté toute entière d'être unie dans la croyance que la victime est coupable. Comme on vient de le voir, dès que les acteurs du processus en comprennent le mécanisme, savent comment il fonctionne, celui-ci s'effondre et ne peut plus réconcilier la communauté.  Henri Atlan reproche à René Girard de présenter cette proposition fondamentale non comme un problème mais comme une évidence.

Il faut certainement insister plus sur le caractère inconscient du désir mimétique. Prenons le cas par exemple, de l'affaire Dreyfus. Imaginons un français de 1894 qui pense fermement que Dreyfus est coupable, en même temps qu'il a des inquiétudes sur l'armée et les allemands. Mais si soudain ce français est convaincu que Dreyfus est innocent, son confort d'esprit, la juste colère qu'il tire de la culpabilité de Dreyfus, ne pourront alors plus se perpétuer, ils vont être détruits. Ce n'est pas la même chose d'être contre Dreyfus ou d'être pour lui. c'est ce problème de conscience que Atlan ne voit pas bien dans la pensée de Girard. De même certains critiques on dit que s'il avait une religion du bouc émissaire, ce ne pouvait être que le christianisme, puisque les évangiles parlent explicitement de ce phénomène. Mais c'est justement parce que Jésus est représenté comme un bouc émissaire que le christianisme, en tant que religion, ne peut être fondé sur le processus du bouc émissaire  et qu'il est au contraire, la dénonciation. La raison devrait être évidente: si on pense que le bouc émissaire est coupable, on ne va surtout pas l'appeler bouc émissaire. Si la France a choisi Dreyfus comme bouc émissaire, personne ne reconnaîtra dans cette affaire le rôle qu'elle fait jouer à Dreyfus et tout le monde se contentera de dire: "DREYFUS  EST COUPABLE!". Mais dès qu'on reconnaîtra l'innocence de la victime, on ne plus user de violence envers elle et le christianisme est justement une façon de dire de façon explicite que la victime (jésus) est innocente. On voit le rôle clé de la méconnaissance dans le processus du bouc émissaire, même s'il est paradoxal. Elle permet à chacun de garder l'illusion que que la victime est réellement coupable et par là même mérite d'être punie. Pour avoir un bouc émissaire, il faut ne pas voir la vérité, et donc ne pas se représenter la victime comme un bouc émissaire, mais comme un homme justement condamné. C'est ce que fait la mythologie avec par exemple, le patricide et l'inceste d'oedipe, censés être réels. Finalement, avoir un bouc émissaire, c'est donc ne pas savoir qu'on l'a.

     
iicgrenoble.esteri.it -PROCES A JULES CESAR
c) Dans le Jules César de Shakespeare, il y a ce discours de Brutus dans lequel ce principe est deux fois formulé dans: "Soyons des sacrificateurs, pas des bouchers, Caïus", "[...]
 L'homme du commun verra dans notre geste une purge, non un meurtre.." Comment l'analysez-vous?
Pour René Girard, Brutus exalte la différence entre la violence légitime du sacrifice et la violence illégitime de la guerre civile. Mais comment se rendre crédibles comme sacrificateurs lui et ses compagnons? Pour faire bien ce qu'il fait il doit soutenir qu'il ne s'agit pas d'un meurtre. ce qui démasque la méconnaissance indispensable au meurtre du bouc émissaire. Shakespeare montre dans ce texte étonnamment perspicace une compréhension du sacrifice bien supérieure à celle de l'anthropologie moderne. 


     d) Pourquoi avez-vous opté pour le terme de "méconnaissance" plutôt que pour le mot "d'inconscience?"
Pour René Girard, le mot d'inconscient "entraîne tout le fatras freudien". "J'utilise le terme méconnaissance parce qu'il est absolument certain que le mécanisme du bouc émissaire méconnaît sa propre injustice sans ignorer pourtant qu'il est meurtre."  La nature inconsciente (même si ce n'est pas le terme utilisé de la violence sacrificielle est bien révélée dans les textes du nouveau testament, en particulier dans Luc (Lc 23,34): "Père, pardonne leur: ils ne savent pas ce qu'ils font", phrase qu'il faut prendre au pied de la lettre. De même, dans les Actes des Apôtres, Pierre, s'adressant à la foule qui a participé à la crucifixion, lui dit: "Et maintenant, frères, je sais que vous avez agi par ignorance, ainsi que vos chefs." (Ac 3,17). Pour les anciens grecs, le mot ignorance signifie vraiment "ne pas savoir", qu'on pourrait traduire aujourd'hui par inconscient. Il y a un manque de conscience dans le processus du bouc émissaire, et ce manque de conscience est aussi essentiel que l'inconscient chez Freud, mais il ne s'agit pas de la même chose. c'est un phénomène plus collectif qu'individuel.
René Girard critique le concept de l'inconscient chez Freud parce qu'il est hostile à l'idée d'un appareil psychique identifiable. La notion d'inconscience est indispensable, mais celle de l'inconscient qui serait comme une "boite noire" s'est révélée trompeuse et il refuse d'enfermer cette notion dans un inconscient qui ait sa vie propre, dans le style de Freud. 

liens: wikipedia.org -Inconscient
pourlascience.fr -La puissance de l'inconscient
psychiatriinfirmiere.free.fr -CONSCIENT / INCONSCIENT / PRÉCONSCIENT / SUBCONSCIENT
causefreudienne.net -L'inconscient freudien
philolog.fr -Freud ou l'hypothèse de l'inconscient psychique
lionel.mesnard.free.fr -L'inconscient humain et Sigmund Freud
philocours.com -L'INCONSCIENT : "le moi n'est pas le maître dans sa maison"


2) La mimésis culturelle et le rôle de l'objet.
     a) Après cette explication générale du désir mimétique, revenons au rôle de l'objet dans la théorie. Vous avez dit que, dès qu'un appétit devient un désir, qui est une construction entièrement sociale, il est contaminé par le modèle. Pourtant dans la théorie du désir mimétique, il semble qu'il y ait peu de place pour les besoins fondamentaux.
talent.paperblog.fr -crime et châtiment; de goya à picasso
Appétit n'implique pas imitation. On n'imite personne si on besoin de respirer quand on étouffe ou si on marche dans un désert à la recherche d'eau, c'est physiologique. Mais dans notre monde tous les modèles sociaux et culturels proclament ce qui est "à la mode" en matière de nourriture ou de boisson. Tous nos appétits sont infléchis par des modèles que nous suivons mimétiquement et paradoxalement ils nous donnent ils nous donnent l'impression d'être nous-mêmes et personne d'autre. Mais quand la société devient cruelle,  et sauvage, la violence peut prendre sa source dans le besoin pur et on ne peut pas exclure la possibilité d'une violence étrangère au désir mimétique, là où le nécessaire fait défaut. Cependant, même pour les besoins de base, quand une rivalité se met en place à propos d'un objet, elle se charge de mimésis et une certaine médiation sociale entre toujours en jeu. On peut penser, comme jusqu'à une période récente le pensaient  les marxistes, que le désir mimétique apparaît seulement dans les classes aisées, comme un luxe ou un passe-temps aristocratique. C'est un luxe, que seuls les nobles tels l'Hidalgo Don Quichotte, pouvaient se permettre avant le monde moderne. Il est évident que dans un monde de la rareté, les classes inférieures ont surtout des besoins et des appétits.  Mais force est de constater qu'avec internet, la puissance des médias et le développement gigantesque des marchés financiers et de la publicité, le désir mimétique devient dominant dans notre société, même pour les besoins fondamentaux et les appétits. Il n'en reste pas moins que les foyers de misère extrême subsistent et qu'il peut fleurir chez les êtres "doués" pour le mimétisme comme le montre par exemple le snobisme de l'épouse Marmeladov dans Crime et châtiment de Dostoïevski.
liens: un-idiot-attentif.blogspot.fr -Dostoïevski sonde les coeurs
alexandrie.org -CRITIQUE LITTÉRAIRE Fedor Dostoïevski - Crime et Châtiment

     b) "C'est pour cela que vous n'êtes pas d'accord avec la lecture que Lucien Scubla fait de votre travail quand il écrit que "la rivalité mimétique est la seule source de la violence". "
Pour Scubla, "
Rien ne paraît plus resserré que le système girardien, à moins que ce ne soit qu’un emboîtement d’hypothèses. Lucien Scubla en ramène l’axiomatique à quatre propositions : 1) le désir humain est toujours mimétique ; 2) la rivalité mimétique est l’unique source de la violence humaine (ce que Girard n’avalise pas) ; 3) seule la religion (sacrifice ou renoncement au sacrifice) peut contenir la violence."  La formule de Scubla dévalue trop les appétits et les besoins objectifs. En effet, ils peuvent déclencher des conflits et aboutir à la violence, et une fois qu'ils ont commencé ils peuvent se pénétrer de mimétisme. De nos jours, les gens se proccupent de la généralisation des "actes de violence" qui frappe au hasard, des vols, des agressions ou des viols dans nos sociétés d'abondance  Cette violence est détachée de tout contexte relationnel, elle n'a donc ni antécédent, ni suite. Pourtant les rapports de spécialistes montrent que les agressions commises au hasard ne constituent pas la principale cause de violence dans le monde. comme le montrent les rapports de l'OMS cf Report on Violence and Health où on s'aperçoit que la moitié des morts violentes sont causées par le suicide et que la majorité des homicides sont commis au sein de la famille, donc parmi des gens qui se connaissent, et même depuis longtemps. Seulement 1/5èmè des morts violentes proviennent chaque année de la guerre. Donc, l'histoire de la violence est bien principalement mimétique comme dans le cas de la violence domestique. Mais il n'en reste pas moins que la violence gratuite existe et agresser quelqu'un dans la rue n'est pas un acte directement mimétique puisqu'il n'existe pas de relation mimétique directe entre la victime et l'agresseur. Cependant, derrière cette attaque fortuite, du point de vue de la victime, il doit y avoir des rapports mimétiques dans l'histoire naturelle de l'agresseur, ou dans sa relation à la société en général, qui demeurent invisibles, mais qui peuvent être repérés. La situation est donc plus complexe qu'il n'y paraît.
liens: 
1libertaire.free.fr -lucien scubla: entretien sur rené girard
lucadeparis.free.fr -Mécanisme victimaire, théorie des catastrophes et carré sémiotique
journaldumauss.net -Enjeux pour une théorie de la religion au-delà du mirage girardien.
who.int -World report on violence and health: summary 2002
whqlibdoc.who.int -Rapport mondial sur la violence et la sante

     c) Nous devons aussi insister sur le fait que la mimésis n'a pas seulement des effets perturbateurs, comme on le voit avec la mimésis d'appropriation. Elle est aussi à l'origine de la transmission culturelle. 


profondeurdechamps.com -Satan : un « bouc émissaire » ?
René Girard répond: "j'ai conçu les mécanismes mimétiques à travers l'analyse de romans, dans lesquels la représentation des rapports conflictuels est essentiels. La "mauvaise mimésis" est donc toujours dominante dans mon travail. Mais dans les rapports entre être réels, c'est bien sûr, la "bonne" mimésis qui domine. Sans elle, pas de transmission transmission culturelle, pas de rapports paisibles." Mais parler de mimésis positive ne signifie pas forcément qu'on a compris le phénomène. Richard Dawkins qui insiste dans sa théorie (avec la notion de même, unité minimale de la transmission culturelle) sur la mimésis positive n'a aucune conscience de la crise mimétique, du bouc émissaire et autres articulations de la théorie mimétique (voir "le gène égoïste"). 
Cela veut dire que l'institutionnalisation des études littéraires contribue à dissimuler le mécanisme du désir mimétique. C'est ce qu'affirme Sandor Goodheart dans Sacrificing Commentary: Reading the end of Litterature. Selon lui, la vraie fonction de la critique est de ramener la littérature à expression moyenne acceptable, plutôt que d'affronter le gouffre entre la vision d'un grand écrivain et la vision commune en la ramenant à un individualisme conventionnel, ce qui permet de masquer le désir mimétique. Ainsi, la critique devrait aider à dévoiler la nature mimétique du désir, plutôt que de la cacher.

     d) Revenons maintenant à la définition de la mimésis: votre approche ne gagnerait-elle pas en clarté si nous établissions une distinction entre "mimésis culturelle" et "mimésis d'appropriation?"
La réponse est non. Ce qui donne cette impression, c'est que la mimésis culturelle, dans la majorité des cas, n'entraîne pas de rivalité, mais elle est malgré tout une mimésis d'appropriation. Si j'imite vos manières, si je lis les mêmes livres que vous, il n'en résultera aucune tension rivalitaire entre nous, ce sont là des sentiments partageables. Vous pourrez même vous sentir flatté d'être pris pour modèle. Mais la mimésis culturelle peut devenir source de rivalité si par exemple l'auteur d'une découverte scientifique non encore publiée la communique à un admirateur et que celui-ci la présente ensuite comme sa découverte à lui. Il y aura certainement attaque en justice.
On a vu que l'objet a souvent pour fonction de déclencher la mimésis d'appropriation. Pourtant, il a un rôle fondamental à jouer dans la "mimésis culturelle paisible". Dans "l'hypothèse de la chasse comme facteur d'hominisation", des groupes sociaux, tant animaux qu'humains naissent de la "coopération lors de la chasse et de la distribution de la viande" (voir Walter Burkert  in "Violent Origins. Ritual killing and Cultural Formation"). Mais il ne faut pas oublier que ce "bon" objet est tué. La chasse a toujours une dimension sacrificielle en plus de sa dimension sociale, qui n'est pas créée par le seul besoin de gibier. De même que la religion n'est pas seulement engendrée par la peur et l'admiration qu'inspirent les animaux sauvages. Toute forme de coopération complexe s'établit sur une sorte d'ordre culturel, qui est lui-même fondé sur le mécanisme victimaire. C'est là l'hypothèse girardienne sur l'origine de la culture. Et le peu que l'on connaît des chasseurs de la préhistoire et de leur univers suggère une organisation culturelle complexe.
liens: 
l.salvador.free.fr -Mécanisme victimaire et hominisation

     e) Vous dévoilez la dimension d'appropriation de la mimésis et expliquez le rôle fondamental de l'objet concret  dans la production de cette perturbation, cependant
, comme l'ont affirmé Jean-Pierre Dupuy  et Paul Dumouchel, l'objet de la société de consommation n'est pas exclusivement définissable dans le contexte de la mimésis d'appropriation. Il produit des formes de contrôle de cette explosion que représente la rivalité mimétique.
L'interprétation que Jean-Pierre Dupuy  et Paul Dumouchel donnent de notre société est juste quoique un peu trop optimiste. Selon eux, la société de consommation constitue une façon de désamorcer la rivalité mimétique et de réduire sa puissance conflictuelle en s'arrangeant pour que les mêmes objets, les mêmes marchandises soient accessibles à tout le monde. C'est réduire les occasions de conflit entre individus. Mais à un moment donné, les individus finissent par se désintéresser de ces objets trop identiques et accessibles. Quelque soit le temps nécessaire, cette "usure" se produit. Parce qu'elle rend les objets trop faciles  à acquérir, la société de consommation travaille à sa propre destruction. "Comme tout mécanisme sacrificiel, notre société a besoin de se réinventer de temps à autre. Pour survivre, elle doit inventer des gadgets toujours nouveaux. Et la société de marché engloutit les ressources de la terre, un peu comme les aztèques qui tuaient toujours plus de victimes. Tout remède sacrificiel perd son efficacité avec le temps.
Dans "Mimésis et morphogenèse", 
Jean-Pierre Dupuy affirme que "l'objet est une véritable création du désir mimétique, c'est la composition des codéterminations mimétiques qui le fait jaillir du néant: ni création d'une pure liberté, ni point focal de d'un déterminisme aveugle.".René Girard pense que c'est aller trop loin car si c'était vrai, nous ne percevions que les objets que nous désirons. Or ce n'est pas vrai. Le monde est plein d'objets qui nous encombrent et nous ennuient. Il est fréquent qu'on achète les objets d'une main et qu'on les jette de l'autre. Là aussi une "usure " se produit. Nous sommes ainsi arrivés dans un monde où le problème n'est plus de d'avoir l'objet, mais de le changer. La société de consommation est devenue un système d'échange de signes au lieu d'un échange d'objets réels. Le monde dans lequel la consommation était un signe de richesse a maintenant perdu son attrait. Pour avoir l'air vraiment "cool" il faut apparaître subversif et "émacié", comme le dit Thomas Frank (The Conquest of Cool). Mais on revient au point de départ, car tout le monde a recours aux mêmes ficelles, et une fois encore, nous nous ressemblons tous. La société de consommation, à son extrême, devient en quelque sorte une mystique, elle nous procure des objets dont nous savons d'avance qu'ils ne peuvent pas satisfaire nos désirs. Elle peut nous conduire aux activités inutiles mais elle finit par nous faire prendre conscience de notre besoin de quelque chose d'entièrement différent, besoin de ce qu'elle ne sera jamais capable de fournir. Sans doute est-ce le sacré qui a quasiment disparu devant le matérialisme de la surconsommation?
En même temps, il nous faut noter que l'augmentation de la médiation interne n'induit pas forcément une crise mimétique dans la société contemporaine qui se montre capable d'absorber de fortes doses d'infférenciation. quand on voit comment cela s'est passé dans les sociétés primitives, peut-on croire qu'une victime émissaire permettrait la reconstitution d'un monde vivable? Le cadavre de la victime permet-il de ramener les doubles au niveau précédent de différenciation? Le réponse de René Girard est non, "ce n'est pas possible. Il faut distinguer nos sociétés des sociétés primitives. Le monde moderne peut se définir comme une série de crises mimétiques toujours plus intenses, mais qui ne sont plus susceptibles d'être résolues par le mécanisme du bouc émissaire. Nous allons voir pourquoi dans le prochain article qui va s'intituler "Le scandale du christianisme".
liens: 
clerse.univ-lille1.fr -Développement durable et contreproductivité : un regard Illichien vers une RSE de seconde génération



Le mécanisme mimétique et la victime émissaire