10 juil. 2011

Les limites de la connaissance 6-5) Réalisme et monde quantique: conséquences philosophiques.

Les limites de la connaissance 6-5) Réalisme et monde quantique:
conséquences philosophiques.

les univers parallèles (1/3) par pierre-27

Les limites de la connaissance 6-5) Réalisme et monde quantique  
Conséquences philosophiques.

Fin de l'article en guise de conclusion:

Carole Dekeijser

Artiste peintre belge: état d'âme N°7.

L'interprétation du solipsisme convivial n'est ni vérifiable ni falsifiable et donc n'est pas "scientifique", mais c'est le cas de beaucoup d'interprétations. On est ainsi conduit à penser que nous vivons dans un monde bien étrange, l'univers en tant que tel nous est inaccessible (voir aussi le réel voilé de Bernard d'Espagnat). Seule notre réalité individuelle empirique nous concerne, elle est différente de celle des autres bien que nous n'ayons jamais aucun moyen de nous en rendre compte. Il peut paraître absurde de parler d'états superposés enchevêtrés de l'univers comme: je peux croire que je suis ici à P... en train de parler avec une personne qui se comportera comme si elle était effectivement en conversation avec moi, alors qu'elle sera, en ce qui la concerne, en train de bronzer sur une plage. Cependant il apparaît que la conception selon laquelle l'apparence d'un Univers dont la complexité dépasse nos limites humaines est conditionnée par les cadres conceptuels de notre conscience. cela pourra être le point de départ d'une réflexion sur "qu'est-ce qu'un état d'esprit"?




Nos états d'âme sont une forme de synthèse entre notre vision du monde, notre état physique et les évènements qui nous touchent. C'est en quelque sorte une fusion entre ce qu'il se passe à l'intérieur et l'extérieur de soi, qui a pour résultat un mélange d'émotions et de pensées dont nous n'avons pas toujours conscience.



Préambule:
La science nous permettra-t-elle un jour de tout savoir? Ne rêve-t-elle pas d'une formule qui explique tout? N'y aurait-il rien qui entrave sa marche triomphale? Le monde deviendra-t-il transparent à l'intelligence humaine? Tout mystère pourra-il être à jamais dissipé?

Hervé Zwirn pense qu'il n'en n'est rien. La science, en même temps qu'elle progresse à pas de géant marque elle même ses limites. C'est ce que montre la découverte des propositions indécidables qui ont suivi le théorème de Gödel. Ou celle des propriétés surprenantes du chaos déterministe. Ou encore les paradoxes de la théorie quantique qui ont opposé Einstein et Bohr  en mettant en cause toute notre manière de penser.
L'analyse de ces limites que la science découvre à sa propre connaissance conduit à poser une question plus profonde: qu'est ce que le réel?
(Je voudrais ici faire partager ma lecture de Hervé Zwirn).


Exergue:
"Comme Popper l'a remarqué, nos théories sont des filets que nous construisons pour attraper le monde. Nous ferions mieux de d'accepter le fait que la mécanique quantique a fait surgir un poisson plutôt étrange."      Redhead (1987).


1) Rappel sur les notions de physique quantique: voir les articles précédents.

 Dès qu'on s'intéresse aux objets dont la dimension est de l'ordre des dimensions atomiques (typiquement 10-10 m), la mécanique classique doit être remplacée par la mécanique quantique. Son efficacité est remarquable pour décrire le comportement des phénomènes subatomiques (électrons, protons, neutrons...). Elle explique la couleur des corps, le fonctionnement des semi-conducteurs, les propriétés des métaux, les niveaux d'énergie des atomes, la superfluidité...Aucun phénomène physique n'a nécessité sa révision. Mais c'est une théorie étrange qui a soulevé de nombreuses questions d'interprétation qui ne sont pas toutes entièrement résolues, malgré les progrès de ces dernières années. Elle nous force à reconsidérer entièrement beaucoup d'idées intuitives que nous avons sur les propriétés des objets, sur les rapports entre l'observateur et le phénomène observé, sur le déterminisme et elle nous conduit à modifier radicalement la conception du monde qu'on pourrait légitimement construire à partir de la mécanique classique. 
Quels que soient les problèmes soulevés, il s'agit toujours de problèmes d'interprétation du formalisme et jamais de problèmes d'application. Elle fonctionne remarquablement bien et c'est une des théories les plus précises qui ait été jamais été construites. L'interprétation du formalisme a conduit à des conséquences philosophiques qui semblaient contraires au bon sens ou à l'intuition. Bien que les débats ne soient pas tous clos, on peut considérer aujourd'hui que nous comprenons mieux ce qui est compréhensible en elle, et avons appris à ne pas chercher à comprendre (au sens de ramener à une image familière) ce qui ne l'est pas. 

Il est possible de penser qu'une expérience future produira une réfutation d'une de ses prédictions et nécessitera une nouvelle théorie, mais il semble exclu aujourd'hui que cela aboutisse à un retour en arrière vers une physique retrouvant les caractéristique de la physique classique. Les théories en cours de développement visant à décrire le monde à des échelles de plus en plus petites et qui tentent d'unifier les 4 interactions fondamentales conduisent à des remises en cause encore plus radicales des concepts classiques. La théorie des supercordes pose des problèmes encore plus redoutables que ceux de la mécanique quantique pour l'interprétation des objets mathématiques qu'elle utilise. Les conséquences philosophiques de ces nouvelles théories ne seront pas envisagées car elles sont en cours de constitution.  
Certaines conclusions de la physique quantique comme la non-séparabilité semblent définitivement établies. L'indéterminisme l'est moins nettement. 

2) La non-séparabilité.


univers parallèles
La non-séparabilité est le fait qu'il est impossible d'attribuer des propriétés individuelles à deux systèmes ayant interagi avant qu'une mesure ait été faite sur l'un d'eux. Des expériences comme celles d'Alain Aspect montrent que la non-séparabilité est une propriété des systèmes quantiques et qu'il faut l'accepter, aussi contre-intuitif que cela soit. Cela n'implique pas l'acceptation du formalisme quantique de préférence à tout autre, mais d'un enseignement tiré de l'expérience puisque la seule hypothèse utilisée pour dériver les inégalités de Bell (expérimentalement violées) est la localité. La non-séparabilité est maintenant une propriété solidement établie. La mécanique quantique la respecte et n'est donc pas réfutée, mais certains formalismes alternatifs à variables cachées, qui la respectent aussi, ne sont pas réfutés non plus.  
Cyberic WOLLBRETT a écrit (vu sur le web)



Pour illustrer cet effet EPR, citons Etienne Klein qui est physicien au CEA et enseignant à l'Ecole Centrale. Il y voit l'assise théorique du romantisme:Deux coeurs qui ont interagi dans le passé ne peuvent plus être considérés de la même manière que s'ils ne s'étaient jamais rencontrés. Marqués à jamais par leur rencontre, ils forment un tout inséparable.

Les résultats des expériences sont nets: la non-séparabilité n'agit pas seulement sur des distances atomiques, mais sur des distances macroscopiques. Dans les expériences d'Aspect, les photons étaient séparés de plus de 10 m et ils le sont sur des distances de l'ordre du km dans les expériences plus récentes. Mais si on prend au sérieux le concept de fonction d'onde de l'univers, des systèmes séparés par des distances cosmologiques peuvent dans des états enchevêtrés qui interdisent de les considérer comme des entités indépendantes. Leur existence même ne peut être envisagée de manière individuelle. Seul "existe" un système constitué par le tout formé par l'ensemble des systèmes ayant interagi et qui n'on été soumis à aucune observation, même s'il est étalé sur plusieurs années années lumières. Ainsi qu'il est dit en exergue de cet article, "Comme Popper l'a remarqué, nos théories sont des filets que nous construisons pour attraper le monde. Nous ferions mieux de d'accepter le fait que la mécanique quantique a fait surgir un poisson plutôt étrange."      Redhead (1987).

3) déterminisme ou hasard?.
Le formalisme quantique ne fait que des prévisions de nature probabiliste, mais le non-déterminisme quantique ne résulte pas de notre ignorance des l'état détaillé des systèmes, mais de l'essence même de cet état (le vecteur d'état représente tout ce qu'il est possible de savoir sur un système). Si on ne se place pas dans le cadre des théories à variables cachées, on est obligé d'admettre que ce qu'on appelle la nature ne sait pas elle-même à l'avance quel va être le résultat d'une observation ou d'une mesure et n'en déplaise à Einstein, il semble bien que Dieu joue aux dés. Cet indéterminisme essentiel est bien plus radical que celui qui est envisagé dans le chaos déterministe, mais il ne concerne que les résultats d'une mesure et non pas l'évolution dans le temps de l'état d'un système qui est, elle parfaitement déterministe. 

Pour y faire face, on peut adopter certaines TVC (théories à variables cachées) non locales qui préservent le déterminisme, mais cette attitude est coûteuse. Elles rétablissent la possibilité en principe (si l'on connaissait le valeur des variables cachées) de prédire le résultat de la mesure de A,  mais elles n'autorisent pas pour autant à considérer que A possède cette valeur avant la mesure. Elles ne peuvent donc pas s'interpréter comme rétablissant le réalisme habituel. De plus, leur formalisme est beaucoup plus complexe que celui de la mécanique quantique et elles ne font aucune prédiction nouvelle, ce qui les rend stériles. Par ailleurs, elles semblent extrêmement difficiles à étendre au cadre relativiste (relativité restreinte) qui est pourtant obligatoire pour tenir compte des énergies élevées. Par exemple, pour l'interaction électromagnétique, la théorie quantique des champs est actuellement considérée comme la théorie la plus précise jamais construite. Or, les TVC posent de difficiles problèmes quand il s'agit de les marier avec la relativité restreinte, même si la théorie de Bohm a réussi cette extension. Mais, plus grave encore, la motivation pour introduire ces théories consiste à tenter de rétablir une interprétation raisonnable de fonctionnement du monde. Malheureusement, elles souffrent d'interprétations au moins aussi étranges que celles de la mécanique quantique. Elle doivent au minimum être non-locales et contextuelles, ce qui, contrairement à ce qu'on pourrait souhaiter, interdit de considérer que certaines observables aient une valeur définie lorsqu'un jeu de variables cachées est donné: les valeurs dépendent de la spécification de données contextuelles comme la direction des axes de cordonnées. 
Cela n'est pas suffisant pour écarter la possibilité qu'une TVC de ce type soit correcte et il n'est pas interdit de l'adopter pour qui veut préserver une sorte de déterminisme. En ce sens, l'indéterminisme n'est pas une conclusion aussi contraignante que la non-séparabilité, cependant, les physiciens dans leur grande majorité, préfèrent penser que la bonne théorie est la mécanique quantique. Ils sont donc contraints d'accepter l'indéterminisme qui lui est associé. 

4) La notion d'état disparaît comme représentation de "ce qui est"
Le concept d'état individuel d'un système comme synthétisant l'ensemble des propriétés qu'il possède à un instant donné doit être abandonné. Ce n'est plus qu'un outil permettant de prédire le résultat que la mesure d'une certaine grandeur produira. L'état ne représente donc plus, comme c'était le cas en mécanique classique, ce qu'"est" le système, mais uniquement la potentialité qu'il fournisse tel ou tel résultat lors de telle ou telle mesure. 
Il est même impossible d'imaginer ou de penser que les grandeurs attachées au système possèdent des valeurs définies. Pour ceux qui adoptent l'attitude positiviste de l'école de Copenhague, s'interroger sur l'état réel d'un système entre deux mesures est dénué de sens, et seul importe ce qui est mesuré. En revanche, elle montre à ceux qui veulent conserver une position réaliste, que le réel qu'ils veulent préserver refuse de se voir attribuer des propriétés définies quand il n'est pas observé. 

5) Le rôle de l'observateur.
Ceci amène a se poser la question du rôle de l'observateur. Nous sommes habitués avec la physique classique, à une correspondance biunivoque entre le monde et sa description et nous pensons que notre perception correspond à l'existence d'objets qui lui sont réellement conformes, objets qui la causent. L'objet est là, tel que nous le percevons l'observateur joue un rôle essentiellement passif, en se bornant à à enregistrer ce qui est extérieur à lui-même. Il n'agit ni sur cet extérieur, ni sur ce qu'il enregistre, c'est pour cela que la physique classique est dite "objective". 
En physique quantique (selon Bernard d'Espagnat), il semble impossible de formuler cette théorie sans faire référence à un observateur. La raison est liée au problème de la mesure et à la disparition de la possibilité d'interpréter l'état d'un système comme décrivant les propriétés possédées par ce système. Ce n'est donc pas une théorie objective dans le sens où "objectif" signifie un formalisme qui décrit la réalité indépendamment de tout observateur. Mais elle n'est pas non plus subjective au sens où chacun y trouverait sa vérité, différente de celle des autres. D'Espagnat la décrit comme une théorie à "objectivité faible" ou "intersubjective". Elle fait nécessairement intervenir un observateur, mais tous les observateurs sont d'accord sur ce qu'ils observent. C'est cette raison qui est invoquée à l'appui de la thèse réaliste: si les observateurs sont d'accord sur ce qu'ils observent, c'est qu'il existe "quelque chose" en dehors d'eux qui cause leurs perceptions (principe de la cause commune). En revanche, il n'est plus possible de supposer que que ce "quelque chose" ressemble vraiment à ce que nous en percevons. C'est la raison pour laquelle D'Espagnat parle de "réel voilé", qui est décrit, partiellement au moins, par le formalisme quantique et qui est indéterministe, non séparable, et non compréhensible en totalité. 
Cette distinction entre le monde tel qu'il est et le monde tel que nous le percevons n'est pas une nouveauté en philosophie. Le monde en soi, inaccessible et incompréhensible, a été opposé, chez les philosophes anciens, au monde des phénomènes de la réalité empirique. Mais aujourd'hui, cette conception ne provient pas de réflexions abstraites mais est issue directement d'un aller-retour entre expérience et théorie. Pour la première fois dans l'histoire de la philosophie, choisir de croire qu'il existe un monde extérieur à tout observateur et conforme à ce que nous en percevons ne semble plus possible, à moins d'adopter une attitude irrationnelle. Cette conclusion semble s'imposer même si on refuse le formalisme quantique pour adopter celui des TVC non locales. Deux positions sont possibles.
Premier schéma possible: Celui de l'école de Copenhague (Bohr, Heisenberg, Born). Il consiste à refuser de considérer que ces questions ont un sens. La mécanique quantique fonctionne remarquablement bien. Il est inutile de se demander ce qui se passe en dehors de ce qui est observable. Cette position "instrumentaliste", ou "positiviste" est bien caricaturée par la maxime A. Garg: "Tais-toi et calcule". Mais certains ont cherché à aller plus loin, à faire de la métaphysique au sens propre du terme et à s'interroger sur le statut de nos perceptions: 
Deuxième schéma possible: Considérer que cela a un sens de s'interroger sur le statut de la réalité, que seule la la réalité empirique a une existence et qu'il est illusoire de chercher, en dehors de nous et au-delà des phénomènes observables, une cause profonde de nos observations. C'est le"réalisme empirique": le formalisme quantique n'est qu'un outil mathématique pour prédire les résultats d'observation, dont les entités mathématiques, non observables, n'ont aucun statut de réalité. Plusieurs attitudes sont possibles. Les "réalistes empiristes pragmatiques" ne font aucune distinction entre deux systèmes décrits par des états différents mais dont l'observation pratique n'est pas pratiquement possible (demandant plus que l'âge de l'univers par exemple). Les "réalistes empiriques de principe" pensent que qu'une différence de principe est suffisante pour que deux descriptions ne soient pas identifiées, même si l'observation en est hors de portée. Le "réalisme métaphysique" (Bernard d'Espagnat en particulier) consiste à croire que qu'au-delà du monde empirique, il existe quelque chose qui entretient une certaine relation avec la réalité empirique. Il conduit à accepter que l'observateur joue un rôle important. 

6) Impact de la théorie de l'environnement - mécanisme de la décohérence et rôle de la conscience.
La décohérence permet de rendre compte du problème de la mesure, de l'effondrement de la fonction d'onde et de la disparition des interférences lors d'une mesure. La matrice densité devient diagonalisée. Mais une difficulté subsiste: une matrice densité diagonale n'a aucune raison de recevoir une interprétation probabiliste quand elle décrit un système individuel, au contraire, elle stipule plutôt leur coexistence. Il reste à expliquer pourquoi et comment la mesure ne donne qu'un seul résultat: cela sera vu dans un prochain chapitre. Néanmoins la décohérence donne une description claire et non ambiguë du processus de mesure: l'évolution de la matrice densité SAS de l'ensemble {appareil + système quantique} par l'équation de Schrödinger prend très rapidement une forme quasi-diagonale puisque les termes non diagonaux deviennent très petits.  
Mais deux points sont à considérer. a) C'est parce qu'on ne considère pas les degrés de liberté de l'environnement que qu'on a le droit de se restreindre à la matrice densité SAS, sinon il serait nécessaire de considérer la matrice totale SASE qui, elle, n'est pas diagonale. b) En toute rigueur, si on attend suffisamment longtemps, les termes diagonaux peuvent redevenir non négligeables. Ces difficultés ont été écartées parce que faire une mesure mettant en évidence ces aspects est impossible en pratique (elles excéderaient de plusieurs ordres de grandeur nos possibilités, voire de l'univers entier). Ce sont des difficultés de fait et non de principe. Selon l'attitude philosophique que l'on adopte, les conséquences que l'on tire sur l'image du monde seront différentes.
Pour le réaliste empirique pragmatique, le mécanisme de décohérence est l'explication définitive du problème de la mesure. La seule réalité ayant un sens est la réalité empirique des observations pratiquement réalisables. Après décohérence, elle est décrite par la matrice densité SAS diagonale (Il n'y a pas de sens de remarquer qu'il serait en principe possible de mesurer les effets non prédits par cette matrice puisque ces mesures sont infaisables en pratique). La réalité empirique est alors conforme à son apparence. 
Le réaliste empirique de principe accepte le fait que l'apparence de la réalité empirique est expliquée par la décohérence tout en considérant que la réalité empirique en soi est différente. Cette réalité empirique, non accessible, dans laquelle la réduction du paquet d'ondes n'a pas lieu, et où les systèmes restent dans des états superposés. finalement, cette position est assez proche de celle des réalistes métaphysiques. Ces derniers considèrent que la décohérence ne fournit qu'une explication de l'apparence de la réalité en soi qui reste quantique dans son essence puisqu'aucun des points nécessaires au fonctionnement de la décohérence n'est satisfait par la réalité non empirique. Mais ces deux types de réalisme estiment censé de parler de propriétés non observables, alors que les réalistes empiriques pragmatiques affirment que la seule réalité ayant un sens est celle des observations pratiquement réalisables. 

La décohérence semble donc permettre de se situer par rapport aux attitudes possibles. La première est de limiter la réalité aux phénomènes pratiquement observables en considérant comme dénué de sens de s'interroger sur tout ce qui se passe hors de ce cadre. La décohérence fournit alors une solution définitive (à la difficulté de "et-ou" près: l'état observé devrait être un "mélange" des états diagonaux possibles. Dans 50% des cas le chat de Schrôdinger est mort et dans 50% des cas, il est vivant. Or l'observation ne montre qu'un seul cas, réalisé à 100%. Le pourquoi de ceci n'est pas expliqué et fera l'objet d'un prochain chapitre).La deuxième est d'admettre qu'il existe une réalité des phénomènes qui échappe à nos possibilités de mesure, que cette réalité est profondément quantique, c'est seulement son apparence qui paraît classique. 
Dans les deux cas, la conscience continue de jouer un rôle (rôle différent de celui que lui assignaient Wigner et Von Neuman, il n'est ici pas question de d'une quelconque action de la conscience sur les systèmes quantiques: elle pouvait en modifier l'état tout en restant elle-même à l'extérieur de toute description physique). Elle est responsable de la forme sous laquelle la réalité nous apparaît. Pour le réaliste empirique pragmatique, elle est limitée à ce que nos capacités humaines autorisent et ultimement, c'est elle qui détermine ces limitations. Pour le réaliste empirique de principe ou métaphysique, elle n'agit pas sur la réalité en soi, mais elle prescrit le cadre dans lequel celle-ci nous apparaît par les limites d'observations qu'elle nous impose. Cette solution (qui a des traits communs avec le kantisme) est plutôt satisfaisante, car il paraît naturel que la conscience joue un rôle dans le monde de nos perceptions. Ce rôle est cependant plus subtil que celui que voulaient lui faire jouer Von Neuman et Wigner. Cela n'explique pas ce qu'est la conscience, mais le fait qu'on n'avait pas pu éliminer ce rôle était un indice de son aspect essentiel

7) Complément sur la théorie d'Everett. 
Rappel: (source wikipédia): La théorie d'Everett, appelée aussi théorie des états relatifs, ou encore théorie des mondes multiples, est une interprétation de la mécanique quantique visant à résoudre le problème de la mesure quantique.
Hugh Everett, qui l'a développée, estimait invraisemblable qu'une fonction d'onde déterministe donne lieu à des observations qui ne le sont pas, conséquence pourtant d'un postulat de la mécanique quantique, celui de la réduction du paquet d'onde. Ce postulat pose également un problème de cohérence mathématique avec le problème de la mesure quantique dans cette même théorie.
Selon lui, la seule source d'anti-hasard possible était l'observateur lui-même, ou plus exactement : sa nature d'observateur qui lui était propre (le résultat qu'il observait le caractérisant lui-même en tant que cet observateur) et ne concernait pas l'univers qui restait parfaitement neutre et comportait toutes les possibilités prévues par la théorie quantique. Les possibilités par lui observées définissaient seules l'observateur, qui ne percevait donc que cet univers-là1
Cette interprétation inhabituelle rappelant le principe de l'action et de la réaction fut exposée dans sa thèse de doctorat en 1957 sous la direction de John Wheeler (voir la biographie). Celui-ci, réticent au départ, devint par la suite partisan enthousiaste de cette théorie - certes la seule à rendre compte sans paradoxe de la mécanique quantique - et nombre de physiciens au nombre desquels David Deutsch et Colin Bruce la considèrent la seule possible à ne pas nécessiter quelque deus ex machina introduisant en permanence de l'anti-hasard dans l'univers. Sans indiquer réellement son opinion sur cette théorie, Murray Gell-Mann montre pour elle, dans son livre le Quark et le Jaguar, une sympathie bienveillante.
On peut rapprocher cette théorie des calculs fondés sur l'ensemble des possibilités offertes au système, tels que l'intégrale de Feynman ou intégrale de chemin de Richard Feynman, ou le Principe des puissances virtuelles.
La principale interprétation concurrente est l'interprétation transactionnelle de la mécanique quantique, plus étrange encore puisqu'elle fait l'hypothèse de messages allant dans les deux sens du temps.



Le monde se scinde, à chaque mesure, en autant de branches qu'il existe de résultats possibles pour la mesure. Ces branches sont supposées être réelles simultanément même si elles ne peuvent pas communiquer entre elles. Mais il se présente une difficulté: cette interprétation ne spécifie pas ce qu'il faut entendre par mesure. Si les observateurs sont considérés comme des objets quantiques, alors il n'y a pas de différence entre une interaction avec un appareil de mesure et une interaction avec un observateur conscient, donc à chaque fois qu'un système dans un état superposé interagit avec un autre système qui se corrèle à lui, il se produit une mesure et une scission. Il y a ainsi multiplication des systèmes. De plus, une difficulté surgit:  dans l'exemple de la désintégration un branche correspond à un univers où une particule a un spin +  suivant Oz et c'est l'inverse pour l'autre particule. Il y a donc 4 particules dans ce "supermonde" pour les deux branches. Mais avant la désintégration, l'état  présente une symétrie sphérique et le spin peut s'exprimer suivant n'importe quel axe et rien ne nous permet d'en privilégier un. Comme il y a une infinité de directions, Bernard d'Espagnat fait remarquer qu'il n'y pas subdivision. Il devient donc difficile de préciser quand il doit y avoir subdivision car il y a similarité entre l'exemple précédent et le processus général de mesure, ou alors il faut admettre que l'univers se scinde en autant de branches qu'il y a de directions possibles (une infinité) ce qui est extrêmement peu satisfaisant.

8) Le solipsime convivial (Hervé Zwirn...).
Cette position suppose qu'il n'y a en fait jamais de division, que l'univers reste unique et que sa fonction d'ondes, incluant les observateurs et leur conscience, évolue uniquement selon les prescriptions de l'équation de Schrödinger (Celle-ci décrit un état enchevêtré). Il n'y a en fait jamais de division, que l'univers reste unique et que sa fonction d'ondes, incluant les observateurs et leur conscience évolue uniquement selon les prescriptions de l'équation de Schrödinger. C'est bien l'état dans lequel se trouve l'univers, incluant l'observateur après la mesure. Mais, comment l'observateur a, lui, conscience de n'avoir qu'un des résultats possibles et se sent dans un état réduit non superposé?
Première phase. L'impression qu'a l'observateur dépend directement de ce qui est accessible à sa conscience: ce qu'il est capable de percevoir donc de mesurer. Il ne peut avoir conscience de d'effets non mesurables, que ce soit en principe ou en pratique. Il lui est donc impossible de faire la différence entre un système décrit par une matrice densité non diagonale et une matrice diagonale négligeant les degrés de liberté de l'environnement ou entre une matrice exactement diagonale et une matrice densité dont les termes non diagonaux redeviendront importants dans plusieurs milliards d'années. Pour cet observateur, tout se passe comme si le système était décrit par la matrice densité diagonale à laquelle le processus de décohérence permet d'aboutir, en fait comme si l'univers avait évolué, non dans pas l'état enchevêtré, mais dans l'état correspondant à une matrice densité diagonale pour l'électron et l'appareil. C'est ce qui permet de dire que la décohérence permet de résoudre le problème de la mesure. (à la difficulté du "ET-OU" près, signalées par Bell: si on ne s'intéresse qu'à un système individuel, on ne peut pas dire qu'il est dans un des états possibles décrits par la matrice. Il faudrait, au contraire, considérer dans tous les états à la fois, mais sans corrélations entre ces états. L'état observé ne l'est que de façon probabiliste).  
Deuxième phase: La conscience de chaque observateur "sélectionne" ou "s'accorde à" ou "s'accroche à" un seul des états possibles. L'"accrochage" est ce qui fait que l'état de conscience sélectionne un et un seul des états de superposition et y accroche l'observateur. Il y a "un point de vue externe" selon Tergmak: "l'Univers, incluant les observateurs et leur conscience, évolue conformément à l'équation de Schrödinger et sa fonction d'ondes n'est jamais réduite. Elle demeure dans un état enchevêtré". Point de vue interne: "La conscience que peut en avoir un observateur dépend des limitations propres à la nature humaine qui l'empêchent d'être sensible à des différences faisant appel à des quantités non observables pour des raisons soit de principe soit de nature pratique. Tout se passe pour la conscience humaine comme si le système était décrit par la matrice densité diagonale. Intervient alors le mécanisme d'accrochage qui accorde la conscience de l'observateur à un seul des états possibles et c'est ce dernier processus qui élimine le problème du "ET-OU". Pour chaque observateur, l'état de conscience n'est alors relatif qu'à l'apparence pour lui d'univers dont la description exacte montre qu'il est en principe tout autre. Mais les limitations de la nature humaine font qu'il est impossible de prendre conscience de cette différence". Le vecteur d'état restant enchevêtré, on peut se demander si le mécanisme d'accrochage est en accord avec les prédictions de la mécanique quantique qui suppose qu'après une mesure, le système est dans un état réduit non superposé. On a vu que le système total incorporant l'observateur, sera après "interaction avec l'observateur" (interaction et non "prise de conscience"), dans un état superposé, qui ne rend pas compte de l'état de conscience non superposé de l'observateur. Pour faire la distinction, on dira que l'état superposé s'appliquera au cerveau, alors que par construction, l'état de conscience ne pourra jamais être dans un état superposé.

Le mécanisme d'accrochage ressemble au principe de réduction du paquet d'ondes, mais il ne soulève pas les mêmes difficultés. Il ne concerne que la perception de l'observateur et pas l'état physique des systèmes. La conscience n'est pas un objet physique, "elle est, par rapport aux neurones et au cerveau, dans le même rapport que l'est un calcul aux puces d'un ordinateur" (cité par H. Zwirn). La description de l'évolution de l'état physique des circuits ne nous dit pas quel calcul a été effectué. Cela se situe au niveau de l'interprétation et du sens et non au niveau physique. Il en est de même avec la conscience pour laquelle on peut postuler qu'elle n'est pas soumise aux lois de la physique. Le monde physique évolue en étant soumis aux règles de la physique quantique (équation de Schrödinger) et la conscience fait à chaque instant une interprétation de l'état actuel du monde. Il n'est pas non plus nécessaire de postuler l'existence de deux types de substance: spirituelle et matérielle. Seule est supposée exister une substance matérielle soumise aux lois de la mécanique quantique.  Le mécanisme d'accrochage ne concerne que l'aspect perceptif des choses et il n'existe pas d'action de la conscience sur la matière. 
De cette manière l'intersubjectivité est expliquée, non par un mécanisme garantissant que tous les observateurs perçoivent la même chose, car ils peuvent avoir des perceptions totalement différentes, mais au fait qu'il leur est rigoureusement impossible de se rendre compte de leurs désaccords. En effet, route communication passe par un processus physique, elle est analysable ultimement comme une mesure. Un observateur B qui interroge un observateur A sur ce qu'il voit effectue une mesure sur A. Le mécanisme d'accrochage assure que quelque soit l'état de conscience auquel est accroché l'observateur A (qui est physiquement dans un état enchevêtré), B n'obtiendra que des réponses en accord avec l'état de conscience auquel il est accroché. Nous n'en savons pas la raison, ni ni ce qui fait que tel ou tel choix est fait.Cela a une conséquence étrange sur l'indéterminisme de la mécanique quantique. Le mécanisme d'accrochage intervient pour sélectionner au hasard parmi les états de la matrice diagonale celui qui est perçu. L'indéterminisme devient alors un attribut de la conscience puisque l'univers physique en tant que tel évolue de manière rigoureusement déterministe, ce n'est plus Dieu, mais l'homme qui joue aux dés. Aucun des deux joueurs ne pourra jamais savoir ce que l'autre a vu et chacun pensera que l'autre a vu la même chose que lui. Si on est positiviste, on peut penser que cette question est dépourvue de sens. Comme chacun peut s'accrocher à une branche différente, en ce sens le monde empirique, ce que chacun observe, est différent pour chacun et il est créé par chaque conscience individuelle. Cette conception est proche du solipsisme, mais ici, est admise l'existence d'autres consciences avec lesquelles un accord est garanti, c'est un solipsisme convivial. Ce solipsisme convivial pousse à l'extrême les conséquences de la théorie de la théorie de la relativité (la simultanéité et les longueurs ne sont pas les mêmes pour deux observateurs différents). Cependant il existe une différence essentielle: deux observateurs relativistes se trouveront en désaccord s'ils se communiquent le résultat de leurs observations, alors que cela leur est interdit dans le cadre du solipsisme convivial qui préserve l'accord intersubjectif.  
On peut avoir plusieurs attitudes face à se résultat; soit considérer que la fonction d'ondes reste superposée (comme Hervé Zwirn), soit qu'il existe des termes supplémentaires (non observés), produisant une réduction effective de la fonction d'ondes et une disparition des termes non corrélés de la conscience. Mais la recohérence semble poser des problèmes et il est plus économique d'éviter de postuler des termes supplémentaires. Un réaliste métaphysique ou un réaliste empirique de principe prendront comme fondamental le point de vue externe et notre état perceptif comme une approximation de la réalité. Le réaliste empirique pragmatique prendra au contraire le point de vue interne comme fondamental et considérera l''état physique enchevêtré comme un simple auxiliaire de calcul. Un positiviste trouvera cette discussion absurde et inutile. 
L'interprétation du solipsisme convivial n'est ni vérifiable ni falsifiable et donc n'est pas "scientifique", mais c'est le cas de beaucoup d'interprétations. On est ainsi conduit à penser que nous vivons dans un monde bien étrange, l'univers en tant que tel nous est inaccessible (voir aussi le réel voilé de Bernard d'Espagnat). Seule notre réalité individuelle empirique nous concerne, elle est différente de celle des autres bien que nous n'ayons jamais aucun moyen de nous en rendre compte. Il peut paraître absurde de parler d'états superposés enchevêtrés de l'univers comme: je peux croire que je suis ici à P... en train de parler avec une personne qui se comportera comme si elle était effectivement en conversation avec moi, alors qu'elle sera, en ce qui la concerne, en train de bronzer sur une plage. Cependant il apparaît que la conception selon laquelle l'apparence d'un Univers dont la complexité dépasse nos limites humaines est conditionnée par les cadres conceptuels de notre conscience. cela pourra être le point de départ d'une réflexion sur "qu'est-ce qu'un état d'esprit"?



Carole Dekeijser

Artiste peintre belge: état d'âme N°7.

Nos états d'âme sont une forme de synthèse entre notre vision du monde, notre état physique et les évènements qui nous touchent. C'est en quelque sorte une fusion entre ce qu'il se passe à l'intérieur et l'extérieur de soi, qui a pour résultat un mélange d'émotions et de pensées dont nous n'avons pas toujours conscience.





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